lundi 26 mars 2018

Conférences Samedi 7 avril 2018

 
Maruyama Masao (1914–96)
Samuel Marie (Université Lyon III)

Titre : De la problématique de la nation à celle de la société civile chez MARUYAMA Masao

De la problématique de la nation à celle de la société civile chez Maruyama Masao. Le problème de la nation et du nationalisme est récurrent dans l’oeuvre de Maruyama Masao. Dès les textes de jeunesse sur la pensée néo-confucéenne l’établissement d’un État-nation est présenté comme l’accomplissement de la modernité politique. Néanmoins, et par opposition à la doctrine ultra-nationaliste et tennô-centrique s’appuyant sur une conception ethnique (minzoku) ou mythique de la nation, Maruyama défend, sous l’influence d’auteurs comme Locke, Hegel, Mill ou Fukuzawa, ce que l’on pourrait décrire comme un nationalisme civique et libéral. Rendre possible l’autonomie individuelle et sociale des individus, telle doit être la finalité d’un État moderne digne de ce nom. Maruyama en vint à la conclusion d’un lien interne entre l’existence de sujets libres et responsables et l’État-nation moderne. Toutefois, à partir des années 50 Maruyama Masao prit ses distances avec le modèle de l’État-nation pour se concentrer, à la lumière des écrits de Tocqueville, sur l’importance du tissu associatif pour la vitalité des démocraties. Dans cette communication nous examinerons comment Maruyama passe d’une défense du nationalisme civique à la défense de la société civile.



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Imanishi Kinji (1902–92)
Haruko Boaglio (Université du Havre)

Titre : Regards croisés sur l’évolutionnisme en France et au Japon : Jules MICHELET et IMANISHI Kinji 今西錦司

Cet exposé est un essai de comparaison de deux intellectuels, Jules Michelet (1798-1874), historien français du 19e siècle, et Kinji Imanishi (1902-1992), biologiste japonais du 20e siècle. Ils ne se sont évidemment jamais rencontrés, ni probablement n’ont eu connaissance de leurs travaux respectifs. Ce qui lie ces deux personnes est leur implication dans l’acceptation de la théorie de l’évolution des êtres vivants. Michelet l’a découverte à Paris, au Jardin des plantes où enseignaient Buffon, Lamarck et Geoffroi-St-hilaire. Imanishi, au Japon, en a eu connaissance à l’université, à travers L’Origine de l’espèce de Darwin, traduite et présentée dans les années 1920. L’attitude de ces deux intellectuels vis-à-vis de cette théorie a été très différente : Michelet s’est enthousiasmé de cette nouvelle notion du monde pour alors qu’Imanishi s’est inscrit en opposition contre darwinisme. Nous reconnaissons malgré tout certains points de convergence dans leurs acceptations. Par exemple :


  1. La forte présence de la notion géologique. - Les deux personnes, au-delà de leurs réflexions temporelles sur l’évolutionnisme, avaient également un solide regard spatial du monde. Michelet, avant d’aborder à la rédaction de l’Histoire de France, rédige Introduction à l’histoire universelle et Tableau de France, parcours géographiques du pays. A travers ses recherches historiques, on voit sa forte intention de saisir le monde en sa totalité, géographique et historique. Quand à Imanishi, son observation des êtres vivants débute par des recherches sur la géologie des montagnes, puis introduit la notion de « ségrégation » de l’habitation des insectes et des poissons, la répartition des espèces selon la géographie. La « ségrégation » est d’ailleurs une des notions clés qui constitue la base de sa propre théorie de l’évolution.

  2. Subjectivité dans l’évolution – Contrairement au darwinisme qui considère comme la cause de l’évolution la concurrence entre les individus et les mutations, ils accordent tous deux une importance à la subjectivité 主体性 des êtres vivants dans l’évolution. Pour Michelet, un dynamisme interne est toujours le moteur primordial des mouvements sociaux. Quant à Imanishi, une des spécificités de son évolutionnisme est de penser que « l’évolution est imprimée dans l’espèce ou dans l’individu ». Ce n’est pas parce qu’ils sont forcés d’évoluer mais l’évolution fait partie de la vie. Ils n’ont pas besoin de causes externes, « les êtres vivants changent, parce qu’ils doivent changer ». Cette formule qu’a prononcée Imanishi s’appliquerait sans mal aux pensées de Michelet même dans ses œuvres historiques. 

  3. Ces observations et analyses nous conduiraient à la perception d’une « imagination terrestre » chez Imanishi et Michelet, dont parlent des penseurs tels que Bachelard, Eliade ou Daisetsu Suzuki.

    La séance aura lieu : de 14h30 à 17h30 à l’Inalco, 65 rue des Grands Moulins, 75013 Paris, salle 4.06.