14h30-18h00, Inalco, 65 rue des Grands Moulins, salle 5.21
Teddy PEIX (docteur en Arts et Sciences de l’Art à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
« Jardins japonais du passé au présent : spatialité, temporalité et philosophie »
Le jardin japonais propose un espace idéalisé dans lequel le vivant s’harmonise à l’esthétique, le naturel à l’artificiel. Il médiatise la relation primordiale des humains avec la nature, et la sublime. Paysage idéalisé, peinture en trois dimensions, polyphonie des formes et des couleurs, il est conçu comme un espace poétique où d’autres arts peuvent s’épanouir : poésie, musique, calligraphie, ou danse. Les jardiniers japonais, comme le font les peintres de sansui (1) 山水 (littéralement : montagne-eau, paysage), mettent en scène des évocations provenant de leurs observations de la nature. Ils s’imprègnent de paysage, d’environnement, de poèmes ; mais que souhaitent-ils exprimé dans leurs oeuvres ? Quels choix font-ils ? Les concepteurs de jardins reprennent également, le paradigme du wabi-sabi 侘寂. Leur goût rejoint ces sept caractéristiques Zen : « Asymétrie, simplicité, sublimité austère ou sécheresse élevée, naturaliste, profondeur subtile ou réserve profonde, liberté de l'attachement, tranquillité. » (2)
Cependant, l’espace de circulation d’un jardin japonais, suppose le mouvement du corps et de l’esprit ; il évoque à la fois un passage dans la nature, un chemin sinueux dans un bois ou sur une montagne, se prête à l’introspection, à la méditation. Ainsi, le jardin japonais s’inscrit autant dans l’espace que dans le temps et, n’a pas pour objectif de révéler des contraires ou des individualités isolées mais, des connivences, des relations, ou des ensembles. Il permet de faire se rencontrer des entités : lieux, temporalités, individus, objets dans un même lieu ou dans un même instant. Mais, comment cette dynamique spatio-temporelle se conçoit-elle concrètement ?
Le jardin japonais s’envisage comme une voie, un passage et annonce un changement. Ainsi, sa création et son exploration s’envisage comme une “quête à vivre”. Restituant l’impression d’un parcours et d’épreuves concrètes, son exploration apparaîtrait telle une voie, « la Voie (dō, 道) », dont il faudrait faire l’expérience.
(1) Sansui, en japonais ou shanshui en chinois (山水shan/san et shui/sui) signifie littéralement montagne - eau. Genre pictural qui serait apparu au IVe siècle en Chine. D’autres arts expriment le paysage tels que la poésie, la musique, et les jardins. Le couple montagne-eau indique que l’un ne va pas sans l’autre, ils se complètent, se répondent s’accouplent (François Jullien). Ils vont de pair comme tous les êtres avec leur milieu.
(2) « The specialist of Zen culture Hisamatsu Shin’ichi writes of seven characteristics particular to the Zen sensibility: asymmetry, simplicity, austere sublimity or lofty dryness, naturalness, subtle profundity or deep reserve, freedom from attachment, tranquility. »
Allen S. Weiss, Zen Landscapes. Perspectives on Japanese Gardens and Ceramics, op. cit., p. 15
KUWAYAMA Yukiko (doctorante à l’Université de Hildesheim, Allemagne)
« ki (qi, 氣), feeling and émotions – a body-linguistic phenomenological approach »
This presentation focuses on a part of my actual dissertation’s project: Leib-linguistische Phänomenologie der Gefühle im Horizont des ostasiatischen Ki-Begriffs. This part is dedicated for a both linguistic and body-phenomenological question on a certain structure of experiences which can be put parallelly to Nishida Kitarō’s concept of pure experience (純粋経験). This analogizing gaze on a structural similarity of experiences and the concept of pure experience is based on Ueda Shizuteru’s phenomenology of language (verbalization) and experience.
These experiences show a qualitative diversity, conceptualized as absorption, immersion, the oceanic feeling (das ozeanische Gefühl) mentioned by Sigmund Freud, or Rilke’s expression of Weltinnenraum etc.. As a structural similarity, these phenomena can show a kind of status, or situation, in which one feels in a unity (or unified) with the environment. They articulate different positionings of perspectives and aesthetical qualities of experiences with different connotations for each of them.
From the domain of phenomenology of ki (氣) in Germany, I will introduce a current state of research made by Hisayama Yuho, who makes his phenomenological approach in a spatially oriented manner of descriptions. He describes situated experiences in different types of spherical moods (Stimmung, Atmosphäre) as “homosphere” (to feel identical to the environment) and “heterosphere” (to feel different, isolated to / from the environment). By this means, he illustrates a felt distance and closeness between the subject and the environment, remaining in a continuity of the both poles, equally to the phenomena mentioned above.
My suggestion towards his approach can be formulated as a body-linguistic (leib-linguistische) phenomenological one, emphasizing rather on the aspect of feelings and emotions held by the first person’s perspective. While searching a room for aesthetical and qualitative differentiations in each phenomenon introduced above, I will concentrate especially on the subtile and delicate distinctions affected by words. With the help of a linguistic phenomenology of ki, a critical and complementing reflection on the concept of Hisayama’s “homosphere” will be enforced.