Sensation du milieu : la critique de Heidegger par WATSUJI Tetsurô
Watsuji devant sa maison (1956) |
La salle 3.11
I.N.A.L.C.O. - Pôle des Langues et Civilisations 65, rue des Grands Moulins, 75013 Paris Métro 14 et RER C : Bibliothèque François Mitterrand Sortie : rue des Grands Moulins.
Résumé :
Au cours des dernières années, Fûdo (« Climat/Milieu humain », 1935) de Tetsurô Watsuji a suscité l'attention des chercheurs, en particulier dans le domaine de la philosophie de l'environnement. Il est notoire que Watsuji a écrit cet ouvrage sous l'inspiration de Sein und Zeit (1927) de Heidegger et qu'il y a introduit la notion de « fudosei » (climaticity/médiance) comme une contrepartie à « l'historicité » de Heidegger. Il est cependant difficile de comprendre l'intention critique de Watsuji uniquement à partir des passages qu’il y consacre dans Fûdo, ce qui peut être à l'origine d'interprétations erronées. Une réelle compréhension nécessite en effet la lecture des textes qui lui sont à la fois antérieurs et postérieurs.
Dans une note préparatoire à Fûdo intitulée « Réflexions sur le caractère national », Watsuji critique la réflexion de Heidegger sur l'outil, laquelle ne saisirait qu'un aspect de l'interaction entre le Dasein et son milieu. Critiquant sa célèbre analyse du marteau, Watsuji objecte au philosophe allemand de ne considérer que l'aspect actif de l'outil. En se référant à d'autres exemples tels les vêtements et les parapluies, Watsuji décrit la préexistence de la sensation sur la production d'outils. Enfin, la critique de Watsuji se concentre sur la « tonalité » (Stimmung) qui est historiquement prédéterminée dans le Dasein de Heidegger.
Par la suite, la nouvelle notion apparaît dans son article « Fûdo », publié dans la revue Shisô en 1929, ainsi que dans l'ouvrage auquel elle donne son titre. Watsuji y critique le fait que le Dasein de Heidegger est uniquement individualiste et néglige la sociabilité des êtres humains. La formulation de cette critique gagne en clarté dans Ningen no gaku toshite no Rinrigaku (« L'Éthique en tant qu’étude de l’être humain », 1934) et Rinrigaku (« Éthique », 1937-49) où Watsuji s'intéresse de nouveau à la réflexion de Heidegger sur l'outil. Il y affirme que notre première rencontre avec les autres ne se fait pas à travers l'utilisation d'outils tel que le décrit Heidegger, mais que les outils naissent à l'origine dans la relation sociale. Ici encore le sensation du climat/milieu joue le rôle important de soutenir la relation sociale dans la mesure où l’homme s’y connaît lui-même en tant qu’il partage un milieu avec les autres.
A travers la lecture de ses textes, nous pouvons comprendre que l'intention fondamentale de Watsuji, dans sa critique de Heidegger, est de mettre en avant l'aspect passif de notre existence dans son interaction avec le milieu. Plus précisément, l'argument de Watsuji pourrait être reformulé à l’aide la notion de « passibilité » (Nancy 1986, Kuroda 2003). Cela contribuerait de façon importante à la compréhension de son point de vue sur l'environnement et son éthique.
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Conférence suivie d'une discussion
Responsables : Simon EBERSOLT, Akinobu KURODA, Takako SAITÔ, Bernard STEVENS, Mayuko UEHARA
Contact courriel : takako.saito@univ-lehavre.fr, akinobukuroda@gmail.com, simon.ebersolt@gmail.com.