mercredi 1 mars 2023

Journée Tanabe Jeudi 9 mars 2023

                    La dynamique actuelle des recherches sur la philosophie de Tanabe

 

Colloque international

 

Date : Jeudi 9 mars 2023

Lieu : Maison de la recherche de l’Inalco, 2 rue de Lille, 75007 Paris, 

Auditorium Dumézil

 

9h30 : Accueil
 
9h45-11h00 : Morten Jelby (Archives Husserl), « Expérience pure et durée pure chez le premier Tanabe » (intervention à distance)
 
11h00-12h15 : Sugimura Yasuhiko (Univ. de Kyôto), « Le poids inassumable de l’être et son au-delà. Tanabe avec Lévinas » (intervention à distance)
 
14h00-15h15 : Quentin Blaevoet (Univ. de Strasbourg), 
« La dialectique peut-elle jamais être concrète ? Un commentaire sur l'élaboration de la dialectique absolue de Tanabe Hajime »
 
15h15-16h30 : Kuroda Akinobu (Univ. de Strasbourg), « Une critique de la philosophie de Tanabe au milieu des années 1930. Takizawa Katsumi (1909-1984) »

 

16h45-18h00 : Urai Satoshi (Univ. de Hokkaidô, Sapporo),「「種の論理」から「愛の論理」へ」 : « De la “logique de l’espèce” à la “logique de l’Amour” » (en japonais, avec distribution du texte de l’intervention en français)

 

Résumés

 

Morten Jelby (Archives Husserl), « Expérience pure et durée pure chez le premier Tanabe »

Au long de la deuxième décennie du XXe siècle, Tanabe Hajime tente de formuler une théorie de la connaissance capable de s’affranchir de ce qu’il voit comme un formalisme chez les néokantiens, tout en restant néanmoins fidèle au criticisme. Ayant repris sans interrogation un concept d’expérience par trop empiriste, les néokantiens restent négativement tributaires, dans leur rejet même d’une expérience pure, de l’empirisme qu’ils tentent pourtant d’évincer de la pensée kantienne. En un mot, les difficultés proviennent d’un mélange de pensée et d’expérience, ou du fait que l’expérience a été conçue comme médiée par la pensée. Loin de là, la nouvelle théorie de la connaissance poursuivie par Tanabe doit prendre son point de départ dans l’expérience pure ou immédiate – deux termes seulement provisoires. Or, comment l’expérience pure et immédiate doit-elle se comprendre ? Comment s’intègre-t-elle dans le cadre criticiste ? Et comment pouvons-nous y avoir accès ? Voici les questions que nous tenterons d’élucider dans cette intervention. Dans un premier temps, nous nous arrêterons sur les sources de la compréhension tanabéenne de l’expérience pure/immédiate, et sur la manière dont Tanabe mobilise la durée pure pour donner concrétude à la position néokantienne. Ensuite, nous discuterons la difficulté du retour à cette expérience « immédiate », et la méthodologie proposée par Tanabe. Finalement, nous verrons comment cette méthodologie donne lieu, à la fin des années 1910, à ce que Tanabe appelle une métaphysique, discipline dont nous essayerons de préciser le sens tel qu’il apparaît chez notre auteur.
 
Sugimura Yasuhiko (Univ. de Kyôto), « Le poids inassumable de l’être et son au-delà. Tanabe avec Lévinas » 
La réduction insolite de toutes les choses, y compris le sens de l’être heideggérien, au fait brut qu’ « il y a » détermine tout l’itinéraire d’Emmanuel Lévinas qui finit par trouver sa voie qualifiée d’autrement qu’être. Dans cette démarche, seul s’impose le « poids de l’être » que nous ne faisons qu’éprouver corporellement sans pouvoir l’assumer. La philosophie du « néant absolu » caractéristique de l’École de Kyoto paraît, à première vue, diamétralement opposée à cette descente vers le fond absolument hylétique de la réalité. Cependant, l’examen plus attentif peut montrer que l’approche auto-éveillante du néant absolu partage à bien des égards la même orientation. Tel est particulièrement le cas de Tanabe, car le « fond obscur » de l’être historial et la lourdeur de notre corporéité qui en témoigne constituent la négativité singulière qui se trouve au centre de sa dialectique du néant absolu. Dans cette perspective, notre communication propose de présenter les éléments essentiels de la « logique de l’espèce » que le philosophe japonais développe dans les années 1930 et 1940.

 

Quentin Blaevoet (Univ. de Strasbourg), « La dialectique peut-elle jamais être “concrète” ? Un commentaire sur l'élaboration de la dialectique absolue de Tanabe Hajime » 

En 1930, Tanabe Hajime (1885-1962) lançait sa première critique frontale à l’égard de la pensée de celui qui avait un temps pu être son « maître », Nishida Kitarō (1870-1945) et, une année plus tard, il s’en prenait à la phénoménologie de Martin Heidegger, qu’il avait lui même introduite au Japon en 1924. Il leur reprochait à l’une comme à l’autre leur abstraction et leur opposait le projet d’une « dialectique concrète » (ou « de la concrétude ») censée pouvoir rendre compte de, et à travers laquelle devait pouvoir se saisir et se dire la dynamique de la donation de la réalité telle quelle, ce vers quoi tous s’étaient jusqu’alors mis en chemin, avant, pour ainsi dire, de s’égarer. On peut se demander, cela dit, si cette critique est juste et si dialectique peut jamais être véritablement « concrète ». Toute dialectique ne repose-t-elle pas d’abord sur un moment spéculatif qui, de facto, l’éloigne de la pure donation de la « réalité telle quelle » ? Au cours de cette présentation, nous proposerons deux réponses, c’est-à-dire la réponse apportée par Tanabe dans les études qui constituent le cycle de la « dialectique absolue », dont nous soulignerons les spécificités en la comparant à la dialectique nishidienne qui se développe au même moment et à la dialectique hégélienne qu’elle entend radicaliser, et une critique fondée sur la lecture de L’Être et le Néant, ouvrage dans lequel Sartre a affronté une question similaire.

 

Kuroda Akinobu (Univ. de Strasbourg), « Une critique de la philosophie de Tanabe au milieu des années 1930. Takizawa Katsumi (1909-1984) » 
Au milieu des années 1930, un jeune philosophe inconnu a vivement critiqué la « logique de l’espèce » et la « dialectique de la médiation absolue » de Tanabe. Ce fut Katsumi Takizawa (1909-1984). En 1933, le jeune philosophe japonais, assistant non rémunéré à l’université de Kyûshû, a rédigé un article intitulé « Concepts généraux et objets individuels », loué par Nishida Kitarô pour une compréhension claire de sa philosophie. La même année, Takizawa est parti étudier en Allemagne, principalement auprès de Karl Barth. En 1936, l’année qui suit son retour d’Allemagne, Takizawa publie Les problèmes fondamentaux de la philosophie de Nishida. Dans cet ouvrage, Takizawa critique la position philosophique de Tanabe d’une manière que l’on pourrait qualifier de radicale, sur la base de sa propre compréhension critique de la philosophie de Nishida et de la théologie de Barth. Cet exposé présentera les principaux points de la critique de Takizawa à l’égard de Tanabe et proposera quelques réflexions critiques sur ces derniers.
  
Urai Satoshi (Univ. de Hokkaidô, Sapporo),
「「種の論理」から「愛の論理」へ」 : « De la “logique de l’espèce” à la “logique de l’Amour” » 
Ces dernières années, l’ontologie sociale est devenue l’objet d’une attention particulière non seulement pour les études philosophiques, mais aussi pour les études en sciences sociales. Tanabe Hajime développa lui aussi sa philosophie dans la perspective d’une « ontologie sociale » à travers la « logique de l’espèce » et la « logique de l'Amour ». Sa première ontologie sociale, la « logique de l’espèce », qu’il développa de 1934 à 1941, vise la rationalisation de la société japonaise en temps de guerre, la « logique de l'Amour » vise, elle, le salut de la société japonaise après la Seconde Guerre mondiale mais a été développée dans le cadre d’une philosophie de la religion après l'échec de cette première « logique ». Le but de ma présentation est de rattacher la philosophie de Tanabe aux discussions en ontologie sociale contemporaine à travers la mise au jour du cadre de l’ontologie sociale tanabéenne, qui se développe de la logique de l’espèce vers la logique de l’Amour. Les efforts déployés dans cet article pour mettre au jour le développement de la logique de l’espèce vers la logique de l’Amour et présenter l’histoire de l’ontologie sociale dans le cadre de la « métanoétique » qui fut négligée par les études conduites jusqu’à présent constitueront, par ailleurs, une contribution notable aux études tanabéennes en général.